Agbonbiofe d’Efon-Alaye

Le sculpteur Agbonbiofe d’Efon-Alaye en zone Ekiti est l’une des figures emblématiques de l'art sculptural traditionnel yorubaet plus particulièrement du fameux atelier de la famille Adeshina. Bien que son nom ne soit peut-être pas aussi connu que certains autres artistes Yoruba Ekiti à l'international, il occupe une place importante dans l’histoire de la sculpture yoruba, en particulier dans la ville d’Efon-Alaye, qui est renommée pour sa longue tradition d'artisans talentueux.

Efon-Alaye, située dans l’État d’Ekiti au Nigeria, est connue pour être un centre culturel important dans l’art yoruba. Les sculpteurs de cette région sont réputés pour leur maîtrise du bois et leur capacité à créer des œuvres riches en détails et en signification spirituelle. Agbonbiofe est issu d’une lignée d’artisans, ce qui est fréquent chez les sculpteurs yoruba, où le savoir-faire se transmet de génération en génération, renforçant ainsi la continuité de la tradition artistique.

Selon Fagg (cité dans Bassani, éd. 1991 : 132), Agbonbiofe (décédé en 1945) était l'un des sculpteurs les plus renommés d'Efon-Alaye. Issu de la célèbre famille Adeshina, connue pour ses sculpteurs et créateurs de couronnes perlées, Agbonbiofe a joué un rôle central dans la perpétuation de cette tradition artisanale exceptionnelle. En 1916, après qu'un incendie ait ravagé le palais de l'Alaye, Agbonbiofe a été chargé de sculpter une série complète de plus de vingt majestueuses colonnes pour les cours principales du nouveau palais.

L’atelier des Adeshina, dont Agbonbiofe était un membre éminent, excellait tant dans la sculpture que dans le travail des perles, comme en témoigne le soin méticuleux apporté à la réalisation d’une couronne conique perlée sur la figure d’un chef guerrier. Cette attention aux détails se retrouve également dans les célèbres masques Epa attribués à Agbonbiofe. L'exemple le plus connu de ces masques est celui ayant appartenu à la collection de James Hooper (ibid. : 147). D’autres œuvres attribuées à cet artiste, telles que celles illustrées par Fagg (1991 : planche 69), partagent des caractéristiques stylistiques communes : la superposition fine des pigments sur la surface sculptée, les oreilles semi-circulaires ornées d'un point central, la représentation minutieuse des colliers perlés à la poitrine, un anneau secondaire intrigant sous la mâchoire et les bras entourés de bandes ornées de faisceaux sagittés.

Ces éléments, ainsi que d’autres similitudes plus évidentes, comme les bouches en forme de losange pointu et les yeux encadrés de manière lourde et voûtée, indiquent une continuité et une force dans l'exécution, témoignant de la virtuosité d’Agbonbiofe, un maître sculpteur dont l'œuvre incarne la quintessence de la tradition artistique d’Efon-Alaye.

Le style de sculpture d’Agbonbiofe est marqué par une excellence technique et un souci du détail qui reflète la haute qualité des œuvres provenant de Efon-Alaye. Il est particulièrement reconnu pour sa capacité à capturer l’essence spirituelle de ses sujets, notamment dans les représentations des Orisha (divinités) et des figures royales.

- Sculptures religieuses : Comme de nombreux sculpteurs yoruba, Agbobionfe se spécialise dans la création de statues représentant les divinités du panthéon yoruba. Ses sculptures d'Orisha comme Shango (dieu du tonnerre), Ogun (dieu du fer et de la guerre) et Esu (le messager divin) sont très recherchées. Ces œuvres, souvent utilisées dans les sanctuaires et lors des cérémonies, ne sont pas seulement des objets d'art, mais des vecteurs de pouvoir spirituel.

- Maîtrise des proportions : Une caractéristique notable des sculptures d'Agbobionfe est la capacité à représenter des figures humaines avec des proportions stylisées, mais pleines de vie. Les têtes, considérées comme la partie la plus importante du corps dans l'art yoruba (car elles symbolisent la source de la personnalité et du destin), sont souvent exagérées par rapport au corps. Ce style reflète l’esthétique yoruba, qui met l’accent sur l'importance spirituelle plutôt que sur le réalisme pur.

Outre les figures religieuses, Agbobionfe sculpte également des personnages royaux et des ancêtres. Dans la tradition yoruba, les statues d’ancêtres sont créées pour honorer les esprits des défunts et maintenir leur influence sur les vivants. Ces statues sont souvent placées dans des sanctuaires familiaux ou royaux.

En tant que sculpteur majeur d’Efon-Alaye, Agbobionfe a eu une grande influence sur d’autres artisans de la région. Ses techniques et son approche artistique continuent d’inspirer de nouvelles générations de sculpteurs. Sa réputation s’étend au-delà des frontières locales grâce à la reconnaissance croissante de l’art yoruba sur la scène internationale.

Bien que Agbonbionfe soit principalement reconnu au Nigeria et au sein des communautés yoruba, son travail a probablement attiré l'attention des collectionneurs d'art africain. L’art yoruba est largement étudié dans les milieux académiques et muséaux à travers le monde, et des sculptures provenant d’artistes tels qu'Agbonbionfe sont souvent exposées dans des collections privées et publiques.

Agbobionfe d’Efon-Alaye incarne le savoir-faire et l'excellence de la sculpture yoruba. Grâce à sa maîtrise de l’art de la sculpture sur bois et sa compréhension profonde des symboles religieux et culturels, il a su marquer son époque et laisser un héritage artistique durable dans la région d’Efon-Alaye et au-delà. Ses œuvres sont non seulement des objets de grande beauté, mais elles racontent aussi une histoire, celle d'un peuple et de ses traditions millénaires.