Les statuettes Idowu
dans le culte des jumeaux


Dans la langue yoruba, le terme désignant les jumeaux est ìbejì, signifiant littéralement « nés deux », tandis que dans le dialecte yoruba oriental, ils sont appelés omo méjì, soit « deux enfants ». Par ailleurs, le mot èrè désigne une représentation sculptée. La combinaison de ces termes donne naissance à l’appellation èrè ìbejì, qui constitue la désignation normative de cette catégorie de sculptures au sein de la culture yoruba.
Lorsqu’une paire de jumeaux vient au monde, une nomenclature spécifique leur est attribuée. L’enfant qui naît en premier reçoit le nom de Taiwo (ou Taye), un nom révélateur de son statut de cadet au sein du duo. Selon la conception yoruba, il est celui qui est envoyé en éclaireur par son aîné afin de « goûter au monde », signification littérale de son appellation. Ce n’est qu’une fois cette exploration accomplie que le second jumeau, Kehinde, fait son apparition, son nom traduisant cette arrivée différée après que le cadet a jugé le monde propice à leur venue et a signalé qu’il était sûr de naître.
La naissance d’un enfant suivant une paire de jumeaux revêt une importance particulière et il reçoit systématiquement le nom d’Idowu. Cet enfant est perçu comme un être d’une nature singulière, dont la mission est de rétablir l’équilibre après la venue des jumeaux. Dans la pensée yoruba, il est souvent qualifié d’Èsù lẹhìn ìbejì, soit « Eshu suivant les jumeaux ». Èsù, divinité facétieuse du panthéon yoruba, joue un rôle essentiel en tant que gardien des carrefours, ces lieux de décision où, en l’absence de sa guidance, l’individu peut s’égarer, mais où, sous sa direction, il est en mesure d’emprunter la voie juste. Ainsi, dans le contexte de la naissance gémellaire, l’arrivée d’un Idowu symbolise un retour à l’ordre, réinscrivant la lignée familiale dans la normalité après l’événement exceptionnel que constitue la venue au monde des jumeaux.




Dans l’art yoruba, en conformité avec les prescriptions cultuelles, il existe des statuettes qui, bien que présentant une ressemblance frappante avec les sculptures dédiées aux ìbejì, se distinguent néanmoins par l’adjonction d’attributs spécifiques à Èsù. Ces figures, associées à l’enfant Idowu, sont notamment caractérisées par la présence d’une crête sculptée à l’arrière de la coiffe, un élément iconographique évoquant l’influence de cette divinité ambivalente.
La création de ces représentations ne relève pas du simple choix individuel mais procède d’une injonction rituelle émise par le babalawo, le devin yoruba. C’est en effet ce dernier qui, par le biais d’une consultation divinatoire, prescrit la réalisation de ces sculptures désignées sous le nom d’Idowu. Leur fonction dépasse le cadre de la simple représentation : elles visent à rétablir l’ordre et l’harmonie au sein du lignage familial, ordre que la naissance des jumeaux aurait, selon la conception yoruba, temporairement rompu ou perturbé. Ainsi, ces figures s’inscrivent dans une dynamique de compensation et de rééquilibrage cosmologique, témoignant du rôle central des arts rituels dans la structuration du monde spirituel et social des Yoruba.

