Le Culte des Jumeaux en Afrique de l'Ouest

Une Singularité Démographique

Au sein des communautés Yoruba du sud-ouest nigérian, le taux de naissances gémellaires atteint des sommets mondiaux, avec environ 45 naissances de jumeaux pour 1 000 naissances vivantes . Cette particularité démographique confère aux jumeaux un statut exceptionnel, les érigeant en êtres dotés d'une essence spirituelle particulière. Ils sont placés sous la protection de Shango, l'orisha du tonnerre, et sont souvent désignés comme les "enfants du tonnerre".

Ambivalence Spirituelle et Vénération

La naissance de jumeaux est perçue à la fois comme une bénédiction et une source potentielle de déséquilibre. Considérés comme des entités puissantes, les jumeaux peuvent apporter prospérité et harmonie à ceux qui les honorent correctement, mais également malheurs et désordres à ceux qui les négligent ou les offensent.

Les Ere Ibeji : Incarnations Spirituelles

En raison de leur fragilité, il n'est pas rare qu'un ou les deux jumeaux décèdent prématurément. Dans de tels cas, les parents consultent un prêtre de divination Ifa, qui peut recommander la création d'une statuette commémorative, appelée Ere Ibeji, représentant le jumeau défunt. Cette sculpture, réalisée par un artiste rituellement préparé, est destinée à abriter l'esprit de l'enfant disparu. La mère traite alors cette figure avec les mêmes soins qu'un enfant vivant : elle la porte sur son dos, la nourrit, la baigne et la couche, perpétuant ainsi le lien affectif et spirituel.

Rituels et Symbolisme

Les Ere Ibeji sont généralement représentées comme des adultes dans la fleur de l'âge, avec des traits distinctifs tels que des coiffures élaborées et des scarifications rituelles. Elles sont ornées de vêtements riches en perles ou cauris, et leur entretien régulier est essentiel pour maintenir la bienveillance de l'esprit qu'elles incarnent. Des offrandes de nourriture, telles que des haricots, de l'huile de palme ou du gari, sont fréquemment présentées. Le visage de la statuette est lavé rituellement, et son corps enduit de poudre de bois de cam mélangée à de l'huile rouge, tandis que les cheveux sont teints avec de l'indigo foncé.

Transmission et Conservation

À la mort de la mère, la statuette peut être placée dans un sanctuaire dédié à Shango, ou confiée au jumeau survivant qui poursuivra les soins jusqu'à sa propre disparition. Dans certaines familles, les descendants peuvent choisir de vendre ces figures à des marchands d'art locaux, intégrant ainsi ces objets sacrés au marché international de l'art africain.

Crédits Photos : Archives MAHICAO - https://mahicao.org/